A l’occasion du deuxième Festival d’Architecture Matjoukann, le Conseil Régional de l’Ordre des Architectes de Martinique (CROAM), la Maison de l’Architecture de Martinique (MAM) et le Conseil d’Architecture, d’Urbanisme et de l’Environnement (CAUE), lancent un appel à candidatures pour réaliser 6 installations éphémères.
Le Festival se tient au cœur de la ville de Saint-Pierre, en Martinique. Il propose un parcours dans les plis chargés de potentialités de la ville : des ruines, des dents creuses, mais aussi du pa(ma)trimoine emblématique.
La Martinique, dans la forme que nous connaissons actuellement, est constituée de plusieurs petites îles volcaniques qui se sont formées en ligne au fur et à mesure que la cheminée se déplaçait. Elle est la seule île des Petites Antilles à présenter trois arcs volcaniques juxtaposés, avec un déplacement régulier de l’activité volcanique sud-est vers le nord-ouest depuis 25 Ma. C’est la jeune montagne Pelée, nouvellement classé au patrimoine mondial par l’UNESCO, dernière venue et toujours active, qui, le 8 mai 1902, balaye en crachant une nuée ardente au ras du sol la Ville de Saint-Pierre et tuant plus de trente mille personnes. Fondée en 1635 par des flibustiers au chômage dans le dos de l’État central et développée à sa manière souvent rebelle par une caste de libres de couleur à distance de la capitale administrative métropolitaine, Saint-Pierre Paris-perle des Antilles disparaissait comme espace physique mais surtout perdait un grand pan de l’élan mulâtre épris de République et de laïcité qui avait mis la Martinique dans le sens de la Modernité au XIXème siècle. Après d’autres éruptions mineures, la fonction de capitale culturelle et économique de l’île fut rapatriée sur sa rivale Fort de de-France et le bâti évidé et meurtri est resté plus ou moins à l’abandon pour plus d’un siècle… Le site a hésité entre renaître et renoncer sans jamais vraiment réussir à se positionner clairement, soit comme une Pompéi tropicale sous cloche, soit comme une nouvelle ville qui renaît en se reconstruisant… Aujourd’hui encore, son classement comme Ville d’art et d’histoire et la règlementation sur l’archéologie préventive qui grève toute action de reconstruction jouent l’ambiguïté en pointant ce qui de la peau laissée par la société d’alors doit être exploré, recensé et préservé et la quasi-absence de moyens accordés pour l’inventaire…. Le temps passe ainsi, mettant en danger ce qui demeure sous la couche des cendres et reportant à un futur de plus en plus incertain la lecture du passé tout en engluant les élans de reconstruction dans une comptabilité qui ne ferme pas. Deux ans après notre premier Festival ÉRUPTION, nous voulons, pour cette édition, mettre en avant l’après, la suite positive, la sortie du deuil… et appeler enfin à la RÉMISSION de la Ville pour que les couleurs et la musique reviennent, pour que la vie reprenne enfin. Asé pléré an nou lité2 disait jadis le militant. Certes Saint-Pierre restera à jamais dans nos mémoires la ville martyre, le témoin d’une aventure humaine centrale pour l’histoire de notre petit pays, et même si la société urbaine qui a construit la Ville a été fortement endeuillée, les idées et ses combats n’ont pas pour autant été anéantis. Certes Saint-Pierre ne redeviendra pas la capitale culturelle et économique de la Martinique car la vie ne s’arrête pas, une nouvelle société s’est constituée depuis la départementalisation et une nouvelle peau urbaine lui a été construite pour la voir s’épanouir. Mais la vie n’aime pas trop les vides non plus et une nouvelle configuration du vivre ensemble peut recycler la vieille peau en une nouvelle aventure si l’on trouve l’énergie. C’est à produire ces vitamines urbaines qu’appelle notre Festival. Les propositions d’installations devront constituer des compléments alimentaires, des gélules de bienfaits pour sortir la Ville de sa convalescence et la mettre sur le chemin de sa guérison. Aussi, l’astuce pour contourner l’écueil de la fouille préventive est de bâtir sans s’ancrer dans le sol. Le présent Festival appelle donc à la production d’installations qui serviront de recette pour sortir de l’impasse, des architectures juste posées… comme des caresses réconfortantes sur les plaies de la convalescente. Investir les sites pour en faire des lieux juste déposés là, avec douceur.
La chapelle de l'asile Bethléem (Parcelle A273)
Les ruines de l'église du fort (Parcelle C239)
De la cathédrale à la mer (Parcelles A517, 518, 519)
Rue de la Raffinerie (Parcelles A426, 425)
La paillote en ruine à l'embouchure de la Roxelane (Parcelles C407, 419)
Deux maisons en ruine envahies par la végétation (Parcelles B991, 686. Photographies à conserver)